Piet Devos

writer and literary theorist

Research


Jacques Lusseyran, entre cécité et lumière

Friday 4 January 2019

La première étude consacrée à la vie et l’œuvre exceptionnelles de Jacques Lusseyran vient de paraître aux Éditions Rue d’Ulm. Il s’agit d’un recueil d’essais critiques, auquel je suis fier d’avoir pu contribuer un chapitre sur la vue intérieure de l’écrivain aveugle.

Présentation de l’ouvrage : Jacques Lusseyran, entre cécité et lumière

Jacques Lusseyran (1924-1971), écrivain et essayiste aveugle, est aussi une figure méconnue de la Résistance intérieure française durant la Seconde Guerre mondiale. Restées longtemps ignorées dans son propre pays – alors qu’il a poursuivi une carrière de professeur de littérature dans plusieurs grandes universités américaines –, sa vie et son œuvre suscitent un intérêt grandissant dans la recherche française et internationale. Le succès du livre que lui a consacré Jérôme Garcin, Le Voyant (Gallimard, 2015, Folio, 2016), en est à la fois la cause et la manifestation.

Cet ouvrage propose une vaste exploration de la vision intérieure paradoxale de Lusseyran qui, ayant perdu la vue à l’âge de 8 ans, s’est construit autour de la lumière et des couleurs dont il affirme garder la perception et qu’il magnifie par l’écriture. Les différentes approches historique, littéraire, philosophique, mais également scientifique (neuro-ophtalmologie), permettent ici d’étudier la place qu’il occupa au sein de la Résistance, l’attitude qu’il adopta face à la réalité tragique des camps de concentration (il fut déporté à Buchenwald), et d’interroger les catégories essentielles de son écriture – telle la synesthésie, qui concourt de manière exemplaire à l’élaboration d’un monde intérieur riche et poétique contrastant avec les représentations classiques de l’absence de vue comme privation et déficience.

Le discours de la cécité chez Lusseyran est également confronté à celui d’autres écrivains aveugles contemporains, qui replacent son œuvre dans un réseau de références allant de l’Antiquité homérique à une écriture du quotidien marquée par une désacralisation de la non-vue en passant par la vision hugolienne de la cécité et de la mystique.

Jacques Lusseyran, entre cécité et lumière
Dir. Marion CHOTTIN, Céline ROUSSEL, Zina WEYGAND
Préf. Pierre BRUNEL
Éditions Rue d’Ulm, Paris, 2019

ISBN-978-2-7288-0605-8
Prix : 16.00 €
Disponible sur le site de la Rue d’Ulm

Ma contribution : « Le toucher de la lumière. La vue intérieure de Lusseyran, entre phénoménologie et mystique » (p. 185-201)

En décrivant la nature de la perception sensorielle, Jacques Lusseyran affirme que « Tous [les] sens […] sont les accidents successifs d’une perception unique, et cette perception est toujours celle d’un contact. » De prime abord, il semble difficile de réconcilier la notion d’un tel contact ou « toucher fondamental « avec l’expérience d’une vue intérieure que Lusseyran a si souvent décrite comme la plus déterminante de sa vie. Cependant, cette réconciliation est bien possible, si nous réalisons que, pour Lusseyran, la lumière constitue non seulement une expérience directe et synesthésique intensément vécue, mais aussi un élément « qui embrasse l’existence entière » révélant ainsi un ordre ontologique basé sur la réciprocité. Dans un tel ordre, le ‘moi’ et le monde se touchent ; le sujet et l’objet se rencontrent s’ouvrant l’un à l’autre.

Comme je tente de démontrer dans ce chapitre, Lusseyran a développé sa conception complexe de la lumière en combinant une analyse phénoménologique de sa propre conscience avec des théories empruntées à des maîtres spirituels comme Rudolf Steiner et Georges Saint-Bonnet. Une telle contextualisation historique de la vision lusseyrienne entre la philosophie et un ‘mysticisme’ moderne, me permet également de réfléchir sur l’autorité du penseur aveugle aux marges de la connaissance dans une société visualiste.

Other items related to the theme Research:

Tardy Presents: Embodied agency in the ‘documental’ poetry of Benjamin Péret and Antonio Porchia

24 February 2019
(Article co-authored with Gys-Walt van Egdom, published in Literature as Document. Eds. Sarah Bonciarelli et al. Pp. 133-148) In this paper, we examine an often overlooked literary tradition, which came to see the act of writing as a way of documenting ‘pure’ embodied agency.
READ MORE

Dancing Beyond Sight: How blindness shakes up the senses of dance

14 September 2018
(Article published in Disability Studies Quarterly, vol. 38 no. 3)   In this essay I argue that blindness offers up a most fruitful perspective through which to rethink the visualist aesthetics of dance.
READ MORE

Encuentros con la (a)normalidad: los cuerpos (in)tocables de Pablo Palacio

29 January 2018
(Artículo publicado en Cuerpos ilegales. Ed. Nanne Timmer. Pp. 231-259) Al estudiar la obra de Pablo Palacio, analizo el vínculo estrecho entre el tacto y la constitución normalizadora del sujeto moderno.
READ MORE

Sonic Boundary Objects: Negotiating disability, technology, and simulation

10 November 2016
(Article co-authored with Florian Grond, published in Digital Creativity: health and wellbeing, pp. 1-17) In this article, we discuss the use of binaural sound recordings as a tool to negotiate between blind and sighted experiences of an urban soundscape.
READ MORE

Touched by Surrealism: reflections on a new sensory approach to literature

20 December 2014
(Article published in RELIEF 8.2 2014) In this paper, I discuss a new sensory approach to literature. Literature might be studied in order to trace the perceptual effects of cultural, political and technological transformations.
READ MORE

‘Estamos en el ciclo de los nervios’: las imágenes electrificadas de Huidobro y la reconsideración científica de la visión

01 December 2012
(Ponencia publicada en las Actas del congreso ‘Imágenes y realismos en América Latina’, Universidad de Leiden) En varios manifiestos el vanguardista chileno Vicente Huidobro (1893-1948) comparó la imagen poética con una 'chispa' eléctrica y el poema con una batería cargada.
READ MORE